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Chien Do 2
Suite défi n° 216 des Croqueurs de Mots menés par les "Cabardouche"
DEFI n° 216 DES "CROQUEURS DE MOTS", mené par "LES CABARDOUCHE"
(clic sur les noms en bleus)
Marie a trouvé dans une brocante cette élégante estampe qui apparemment évoque une Histoire mystérieuse :
QUI sont ces personnages ? QUE disent ils ? QUE vont ils faire ? A vous de raconter !
(Faits réels enrobés de mon imagination)
et aussi :
https://jardinage.lemonde.fr/dossier-2067-dogue-tibet-chien.html
En fond sonore, chant traditionnel chinois
CHIEN DO n° 2
Je sus que je n'étais plus qu'un honorable parasite ! (Clic sur la phrase pour obtenir l'épisode n° 1)
Il est vrai que j'étais d'une canaillerie notoire.
Mes coups de dents furieux, ma voracité ruineuse, m'occasionnaient bien quelques mésaventures douloureuses avec la badine de mon Maître, mais je continuais à mordre les serviteurs malheureux qui me craignaient, à voler sans remord quelques menues peccadilles sous les yeux apeurés des cuisiniers... à créer d'intenses paniques au milieu de la nombreuse valetaille qui peuplait la Maison du Maître et celle des Femmes....
N'étais-je pas celui qui avait poussé ma terrible ennemie Vieille Mère à la Réclusion dans son lointain Pavillon au fond du Parc des Femmes ? Mon Maître, ravi, m'en avait secrètement félicité ! Il n'avait jamais réussi pareil exploit de toute sa vie de Fils Chef de Famille... Vieille Mère était le seul être devant qui il pliait en baissant la tête !
Mon Maître avait grand peur de sa Vénérable Mère...
Il n' ignorait pas que Vieille Mère avait porté tous les jours à son vieil et incurable Epoux atteint de syphilis une potion à base de mercure destinée à le guérir... suivant le strict protocole ordonné par le Médecin....
La peau de Vieil Epoux était devenue anormalement rouge, puis pustuleuse...Atteint de tremblements violents, il ne pouvait plus marcher, ni parler, et n'entendait plus.. Ses reins se bloquèrent et des crises de démences horribles l'accablèrent totalement... Il mourut sous les yeux secs de Vénérable Mère qui avait subi le pire durant toute sa vie d'Epouse soumise et attentionnée...
Manoir de Heshen Ministre Quianlong Dynastie Qing,
devenu ensuite celui du Prince Gong's Mansion, dans la région de Schichahai
Mon Maître, fortement commotionné par la mort de son Vénérable Père, avec qui il vivait selon l'antique Tradition depuis ses sept ans dans les appartements particuliers réservés à l'Epoux ,
avait expliqué devant moi à un Confident que le mercure était à l'origine des plus beaux colorants de la Chine : le cinabre et le vermillon... La Chine possédait d'importants gisements de mercure... Mais que ce mercure tuait beaucoup plus qu'il ne guérissait...
Heshen ne mangeait jamais un met tant que celui-ci n'était pas goûté par l'esclave attitré à cet effet ! Prudence obligeait ...
Cependant Mei, cette courageuse gamine qui me damait le pion et n'imaginait pas une seconde que je portasse les dents sur elle, fut sans pitié... me pourchassant sans cesse avec un regard farouche malgré mes grognements hargneux des plus terrifiants, mes babines retroussées et mes crocs qui pouvaient lui trancher la gorge sans effort... Rien ne l'impressionnait !
Elle était déchaînée, cette terrible femelle qui ne craignait plus rien, qui avait réussi à s'introduire en secret dans le coeur de mon Maître et devenait de plus en plus sa confidente dans les moments de "tendres" échanges...
Elle me traitait de Chien trop gâté, me reprochait mes gaucheries de Chien mal éduqué... et pire, de boulet.... de boulet !
J'eu peur ! Il était bien visible qu'elle aurait tout fait pour se débarrasser de moi ! Je savais que je ne pouvais toucher à cette femelle sans encourir la mort...
Je résolus de me cacher, ce qui convenait mieux à ma paresse ! Je mis toute mon habilité machiavélique, mon esprit retors, mon flair subtil pour l'éviter... Rien n'y fit !
Elle réussissait toujours à trouver des personnes téméraires pour me débusquer. Ses mains, qui savaient si bien caresser, agrippaient ma toison, qu'elle lavait à grande eau mousseuse pendant que les serviteurs zélés m'immobilisaient à l'aide de piques acérés tout comme pour un fauve... J'étais furieux, humilié jusqu'à l'os...
Certes, je n'oublierai pas !
Puis, sous bonne garde, enchaîné, elle m'emmenait de force en promenade, sous l'oeil moqueur de Première Epouse .
Mon Maître, étranger à mes difficultés et à celles de Concubine, me délaissait !
Puis, un jour, mystérieusement, Mei se mit à jubiler dans de grandes crises fébriles... et mit toute la Maisonnée sens dessus-dessous ! On accourut, on l'écouta, on donna des ordres... Mon Maître arriva en grande pompe... Vieille Mère aussi, du fond de son exil...
On mit fin à mon calvaire... Je retrouvai enfin mon esclave habituel qui me laissait en paix.. me soignant avec des mains douces et respectueuses... et me regardant faire toutes mes malices avec résignation...
Vieille Mère reprit du service...
Petite Maîtresse essaya, soudain débonnaire, de négocier avec Première Epouse..
Réticente, Première Epouse s'était raidie... Mais Mei sut trouver les jolis mots qui détendent le corps et l'âme... Surprise, Première Epouse réfléchit et concéda du bout des lèvres qu'elle avait été désagréable... Puis, comme une délivrance, les larmes coulèrent, les vannes s'ouvrirent et toute sa haine pour sa jeune rivale fondit...
Mais son désespoir était réel... et Mei dut en tenir compte. Elle lui prit les mains et doucement, lui raconta sa propre détresse... devant l'inéluctable de sa vie de concubine à peine plus valable que celle d'un esclave...
"Toutes les Femmes chinoises sont victimes d'injustice" soupira Mei...
Première Epouse lui murmura enfin son véritable nom : Chan ("Belle, gracieuse") ...
Dans un grand rire, Mei ("la Fleur du Prunier") répéta plusieurs fois ce joli prénom sur tous les tons qui qualifiait si bien Première Epouse ... comme une comptine ... comme si elle se délectait d'un bonbon... Les deux Femmes furent saisies d'un fou rire libérateur et elles se jurèrent d'être désormais comme deux soeurs....
Concubine accoucha d'un Fils ! et se retrouva soudainement propulsée au rang tant convoitée de Deuxième Epouse...
Elle refusa la tenue traditionnelle mandchoue de la Maison de son Epoux, cette stricte robe de soie rouge aux bordures agrémentées de galon en fil métallique doré... Des parures étincelèrent sur des robes nouvelles..
Vieille Mère
Elle rayonnait auprès de Vieille Mère charmée par une si jolie et accommodante Belle Fille, pendant les interminables parties de cartes. ou de dés... ou dans de savants travaux d'aiguilles. L'Enfant était splendide, nourrie au lait épais d'une nourrice judicieusement choisie. Chan eut la permission de Vieille Mère de câliner l'Enfant... Les trois Femmes ne se quittaient plus !
Vieille Mère exigea que les Portes de la Chambre Conjugale soient désormais grandes ouvertes... C'était une pratique courante pour modérer les ardeurs enflammées de l'Epoux ... afin de préserver Deuxième Epouse..., ainsi que mon éviction immédiate, et je dus me cantonner aux appartements de l'Epoux... Pour la sécurité de l'Enfant !
Il est vrai que mon caractère ombrageux ne s'accommodait guère des criailleries stridentes dont il gratifiait son monde pourtant en adoration devant sa si petite personne...
C'est ainsi que je retrouvai mon Maître et ses incessants soliloques déprimés..., sa tranquillité à jamais perdue...
Il finit par délaisser bien vite Deuxième Epouse en cultivant les fleurs du vice avec les Pensionnaires des Maisons de Fleurs pour "Illustres Personnages", dissimulées un peu partout dans les environs, malgré l'interdiction de la Dynastie Qing ...
Comme son Vénérable Père !
"Fleurs" des "Maisons de Fleurs" - Epoque de la Dynastie Qing
http://dona-rodrigue.eklablog.fr/les-courtisanes-c829758
Il ne voulut plus ni de Troisième Epouse ni de concubines...
En réalité, il était l'Amant de l'Empereur Qianlong, mais chut ! Heshen en souffrait trop pour autoriser qu'on en parle ouvertement... Donc, tout le monde ici en discutait à mots couverts, si bien que je finis par comprendre ! Pas facile, la vie des Humains !
A gauche, écriture des femmes, à droite celle des hommes
Il m'apprit que Vieille Mère enseignait à Deuxième Epouse "l'écriture nüshu" (clic), l'écriture codée des femmes, seul moyen de communiquer avec d'autres femmes, ainsi qu'avec celles de son Ancienne Famille...
Cette "écriture de moustique", aux traits effilés et étirés... ressemblait aux caractères chinois, mais en forme de losanges - contrairement à l'écriture carrée des Hommes ... Cette écriture était incompréhensible pour les Hommes, qui ne l'apprenaient pas ....
La Tradition voulait qu'on enseigne cette écriture au moyen de chants que les élèves recopiaient inlassablement afin qu'elles puissent enfin écrire leurs propres textes, qui les accompagneront dans leur tombe... pour qu'elles puissent les lire dans l'au-delà !
Je ne pus jamais me venger des mauvais traitements de Mei... Jiaqinq, successeur de l'Empereur, imposa à mon Maître de se suicider après la mort de Qianlong.
L'immense fortune de mon Maître Heshen ( 25 millions de kilos d'argent) et moi-même fûmes confisqués par le Nouvel Empereur Jiaqing...
Je me retrouvai comme animal de luxe dans la cour d'un Homme fier... confié aux mains expertes et sévères de Dresseurs mâles... Mon Nouveau Maître, féru de chasses à cheval, m'emmenait dans d'épuisantes virées dans tout son Territoire de plaines et de forêts...
Je ne sus jamais ce qu'il advint de Vieille Mère,Chan, Mei et l'Enfant ?
Luciole
Bisous
Pour ceux qui veulent connaître le fin mot de l'Histoire de Heshen et sa Famille :
Enfin j'ai trouvé des renseignements sur Heshen, sur un Forum .... Il m'a fallu revenir en arrière d'au moins 12 pages sur Google...La ténacité paye !
Heshen était né dans un puissant clan mandchou de l'Empire Qing. Il a été éduqué dans l'école impériale pour devenir officier. Etudes brillantes en arts martiaux, sciences, histoire et langues. Il devint l'Homme le plus cultivé de son temps, très bon stratège militaire, écrivain et parlant plusieurs langues ... De confession Chamanique.
Heshen, 25 ans, est Garde dans la Cité Impériale. l'Empereur Qianlong a 60 ans. Il rencontra Heshen et tomba éperdument amoureux de lui ! Il était normal que l'Empereur dispose d'un "harem d'hommes" : les "xianggong" (les concubines mâles)... Heshen souffrait énormément d'être "l'amant de l'Empereur" !
Heshen devient le Tuteur d'un des fils de Qianlong : Jiaqing !
Heshen, en un an, devint le personnage le plus puissant de l'Empire : il est nommé Ministre.... Pourtant l'Empereur, très soucieux de la bonne marche de son Empire, était loin d'être idiot ! Cette Histoire d'amour a duré plus de vingt ans entre eux deux... Mais c'était "très mal vu" d'être à la fois amant et ministre de l'Empereur.
Qianlong marie une de ses filles, Xia He, avec le Fils de Heshen (Fils qui devint donc le Beau Frère du futur Empereur Jiaqing : 15è Fils de Qianlong....... Ce qui est très important pour la suite de l'Histoire, car désormais, Heshen fait partie de la Famille Impériale !).
Heshen a donc gouverné de concert avec l'Empereur... Bilan très positif en politique intérieur, comme jamais vu ! mais Bilan lourdement grevé par des campagnes militaires fort coûteuses en politique extérieure... conduisant à des déficits budgétaires graves !
Beaucoup de révoltes paysannes, de soulèvements perpétuels des ethnies non chinoises, des mouvements politiques sans cesse à l'affût de vouloir renverser le gouvernement....
Qianlong décide d'abdiquer en faveur de son 15ème Fils, Jiaqing...(1796), tout en continuant à tirer les ficelles du jeu politique jusqu'à sa mort le 7/2/1799.
Jiaqing est faible, vindicatif, voire exécrable, facile à manipuler... Il complote sans cesse pour prendre le pouvoir... Qianlong manque par 2 fois de mourir... empoisonné ? Le régime politique ne va plus ...
A la mort de Qianlong, Jiaqing veut tout changer.... Il veut la tête de son Tuteur et de l'amant de son père... Heshen ! Par de faux motifs, il l'accuse alors de haute trahison, de corruption et même d'abus de pouvoir... Il veut surtout récupérer la maison de Heshen, une des plus belles maisons privées de l'époque Qing, et toute la fortune de cet Homme le plus riche de l'Empire... qui sert soudain bouc émissaire...
Il est vrai que Heshen n'a pas toujours été très honnête... Il a publié également un roman "Rêve dans le Pavillon rouge", pièce taoïste très violente contre le régime impérial... Et pourtant, il a été un formidable juriste, particulièrement attaché à une justice égale pour tous...
Bref, non seulement Jiaqing ordonne à Heshen de se pendre... mais la Famille de celui-ci risque également une condamnation à mort ou une déportation... ce qui ne valait guère mieux !
Seulement, la soeur de Jiaqing, Xia He, étant la belle fille de Heshen ......(vous me suivez ?) sauva la Famille.... qui a été épargnée par l'Empereur...
Xia He reçut même quelques propriétés de Heshen...
La Famille de Heshen en a - t - elle profité ????
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Commentaires
Quelle patience pour retrouver toute l'histoire de ces personnages...!
Bravo, ton récit m'a beaucoup plu, même si je ne suis pas toujours fan de cette civilisation.
Bisous et douce journée.
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Vendredi 1er Mars 2019 à 18:06
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Magnifique texte qui représente un grand travail de recherches juste pour partager, bravo et merci à toi.
Bonne fin de journée, bisous Luciole, à bientôt.
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Vendredi 1er Mars 2019 à 18:05
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Bravo pour ce récit passionnant , des recherches tres intéressantes que tu partages avec beeaucoup de talent . L'attitude des hommes forts du Japon fait froid dans le dos
Bonne journée et joyeux anniversaire
Bises
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Vendredi 1er Mars 2019 à 18:05
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Quelle histoire passionnante et tu as eu bien du mérite à te renseigner.
Je vois que Colette te souhaite un heureux anniversaire alors je fais de même ! Ouf vous avez toutes deux échappé au 29 février
bises
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Vendredi 1er Mars 2019 à 16:18
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Bravo Luciole : C'est super !!!
C'est le 28, c'est notre jour «J» toutes les deux :
Heureux Anniversaire !
Du ☼ et du bonheur dans ton ♥ !
Gros becs♥ de mon Québec !
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Samedi 2 Mars 2019 à 02:51
Comme c'est gentil ! Merci beaucoup à toi ! Bonne fin de semaine,
Gros bisous♥
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Vendredi 1er Mars 2019 à 16:17
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Bonjour Luciole, Tu es une incroyable conteuse. J'en perds des bouts, mais j'y sens ta passion et ça me touche.
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Vendredi 1er Mars 2019 à 16:15
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Une histoire un peu compliquée mais passionnante; J'avais entendu qu'un empereur chinois prenait du mercure tous les jours et qu'il s'était empoisonné sans le savoir. Bonne soirée
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Vendredi 1er Mars 2019 à 16:13
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Quelle histoire !
Et quelles vies !
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Vendredi 1er Mars 2019 à 16:10
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Je rejoins l'avis de Martine... ce défi t'a passionné, quand nous nous sommes contentés d'écrire une petite histoire... ;-) Bises
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Vendredi 1er Mars 2019 à 16:09
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Un histoire passionnante et un drôle de destin de ce chien Do, dogue du Tibet, au look impressionnant et à l'appétit féroce !
Bises et bon mercredi
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Vendredi 1er Mars 2019 à 16:07
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J'admire tu as dû en passer du temps à te renseigner pour écrire cette histoire. Bravo . Bisousp
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Mercredi 27 Février 2019 à 16:52
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Ajouter un commentaire
Très impressionnant Luciole, ton travail d'investigation, bravo!
Ce regard de "bête", cette mise en abîme fort judicieuse et très bien écrite qui nous invitent à travers des us et coutumes mystérieux pour notre monde à nous sont fascinants.
J'ai lu comme un thriller, vraiment bravo, je me répète mais c'est amplement mérité!
Je voulais te remercier aussi pour être allée lire mon article sur le Chien, dire que je l'avais écrit et oublié de le publier, voilà ce que c'est qu'une tête de Linotte, lol!
En tous cas, merci pour ce voyage littéraire et historique
Gros bisous et douce soirée
Cendrine