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FP15 - L'orage
Bruits de l'orage et de la pluie
FUTUR PROCHE n° 15
L'ORAGE
Il fut réveillé brutalement en pleine nuit par un vacarme assourdissant... Des éclairs hachuraient la pièce... Un violent orage déversait sa rage et ses trombes d'eau sur la cabane qui tanguait et gémissait... (ICI)
Immobile dans son hamac, il tentait d'apaiser les battements affolés de son coeur, attendant que son cerveau embrumé et ses yeux endormis s'accoutumassent à l'obscurité violemment éclairée par intermittences...
Dans la nuit noire et froide mitraillée d'éclairs se découpait la silhouette frêle de Lilou devant la fenêtre au lourd rideau végétal relevé.
"Non, reste couché !" lui intima-t-elle brusquement en entendant la fermeture éclair du hamac de Dérik s'ouvrir...
"Ce n'est rien ! je m'inquiète seulement pour les plantations. Nous verrons cela demain... Essaie plutôt de te rendormir, car demain, nous nous levons tous très tôt... Il y a beaucoup de travail !"
Dérik referma la fermeture éclair, n'osant la déranger...
"Tu sais" dit-elle encore, "le danger est omniprésent la nuit... Il ne fait pas bon sortir dehors... Ne t'avise surtout pas d'y aller seul : la mort ici frappe avec une violence inouïe...
Plantes et animaux se massacrent, se déchiquettent, se dévorent mutuellement... et vivent un long cauchemar... La Jungle est comme un estomac monstrueux qui engloutit tout ce qui vit...
Comprends bien surtout : sous un violent orage comme celui-ci, la survie d'un Homme ne dépasse pas les cinq minutes, au grand maximum le quart d'heure...
Vois-tu, il peut tomber jusqu'à deux mètres d'eau en une nuit : tu comprends maintenant pourquoi nos cabanes sont sur pilotis...
L'Homme moderne n'est pas préparé à subsister dans un environnement pareil !"
Dans le concert dissonant des grenouilles s'élevaient d'étranges cris rauques à glacer le sang...
"C'est quoi, cette terrible cacophonie " demanda Dérik quelque peu impressionné.
"Des crapauds-buffles" lui répondit Lilou "L'eau les rend fous !"
Crapaud-buffle mangeant un oiseau (il peut manger des rats !)
Les paroles de Lilou presque étouffées par la tempête ébranlèrent Dérik tout autant que le vacarme de l'orage et de la pluie, des bruits sauvages de la forêt...
Il l'entendit rabattre d'un coup sec le volet végétal et le fixer solidement à l'aide de cordons sur la paroi de la cabane...
Puis le zip de la fermeture éclair lui indiqua qu'elle avait regagné son hamac....
Il resta quelques temps encore à l'écoute dans ce noir absolu zébré d'éclairs, en grelottant. L'humidité lui pénétrait le corps jusqu'à l'os...
Il se recroquevilla sous ses couvertures, en se promettant de construire une cheminée dans sa future cabane....
Puis il s'endormit profondément malgré la violence de la tempête et les bruits extravagants de la Jungle....
Une pâle lueur grise, annonçant le lever du jour, le réveilla... Le paillasson était levé sur la fenêtre garnie d'une moustiquaire... L'air, qui embaumait l'eau fraîche, les champignons, les fleurs, les fougères et toutes autres sortes d'odeurs inconnues, était glacé...
Dans la pièce s'activait déjà Lilou...
Il eut du mal à dissimuler sa surprise...
Petite, très mince, la peau fine et hâlée, elle possédait un magnétisme irrésistible ! Ses cheveux d'ébène mêlés de gris cascadaient sur ses épaules en longues vagues soyeuses... Jeune... la quarantaine peut être ?
Peintre Ecole Russe - portrait d'une jeune femme espagnole - Alexis ZUETKOFF ( 1960)
Pressentant sans doute le regard de Dérik posé sur elle, elle se tourna vers lui et son sourire d'une étonnante douceur le cueillit comme une fleur...
Elle ressemblait à une Madone espagnole !
"Mais qu'elle est belle !" s'extasia Dérik, le coeur chaviré.
Et pourtant, il eut le temps d'apercevoir la souffrance dans les yeux de braises qui le fixaient tranquillement...
"Permets-moi !" bredouilla t-il sans bouger... "Tu es si belle! Espagnole ?"
"Si, Señor !" répliqua t-elle en riant "Merci ! mais as-tu un nom ?"
"Dérik m'est venu facilement... Scientifique, il me semble... Mais j'ai oublié l'enfant que j'étais et ma vie jusqu'à ce jour est un vaste champ de points d'interrogations ? J'ai du avoir perdu mon ombre quelque part dans la Forêt...
"Mais il me semble renaître, ce matin" ajouta t-il en riant.Elle lui jeta un regard mi-réprobateur, mi-amusé... puis se détourna, prit un élastique sur sa petite table, ramassa la lourde chevelure en une queue de cheval sur sa nuque et entortilla le chouchou sans plus de façon...
Il opta sagement pour le silence !
Mais le sourire si chaleureux avait tissé sa toile solaire, ô impatience soudaine, involontaire... pour qui se consumait dans un noir crépuscule...
Et le silence devint brûlant ! Voiles gonflées d'un coeur battant au seuil d'une tempête, cri sourd d'une fierté dressée alors que grandissait le désarroi...
Quand soudain une voix claire, impérieuse, se hissa dans le mirage, mi-figue mi-raisin :
"Il va falloir envisager très vite de commencer ta cabane, Dérik !"
L'avertissement était limpide, émiettant la déraison rouge de confusion... pendant qu'elle décrochait l'échelle souple de son support, ouvrait la porte, et arrimait à des pitons de chaque côté de la cabane l'échelle de corde... enfila ses grosses chaussures, sa lourde veste et descendit tranquillement à l'extérieur... le laissant encore tout abasourdi !
"Descends dès que tu peux ! Ils sont tous là !"
Ça promettait ! voilà que déjà il se disqualifiait.... s'égarait !
Il ouvrit doucement la fermeture éclair (il fallait en prendre soin, car sans aucun doute introuvable dans ce coin du bout du monde !), se leva, récupéra mules, couteau et lampe dynamo... ajusta le couteau autour de sa cuisse droite, mit la lampe sur la petite chaise-table de nuit, s'étira longuement, se détendit... puis sourit : il avait dû recevoir une éducation phallocrate, car finalement, il n'était pas mécontent de sa petite mésaventure.... Son coeur chantait !
Au beau milieu de la pièce de la cabane, encore toute empreinte de la douceur et du frais parfum citronné de Lilou, il éclata d'un grand rire salvateur...
Il enfila ses chaussures humides, sa lourde veste raide d'humidité (oui, certain qu'il construira une cheminée dans sa cabane !!!) tout en grelottant de froid.... s'aspergea d'essence de géranium des pieds à la tête... batailla pour refermer la porte tressée, et descendit lourdement l'échelle bien trop souple à son goût - il était encore courbaturé de tout son corps....
Les Hommes présents étaient tous assis sur leur chaise tressée autour d'une énorme bouilloire posée sur un petit feu qui produisait une épaisse fumée blanche sentant bon la citronnelle, car les hommes utilisaient des branches de bois mort humides ramassées dans les environs.... afin d'éloigner les essaims de moustiques qui patrouillaient dans l'air glacé......
A SUIVRE
Cliquez sur chaque ligne pour avoir le Chapitre correspondant :
1ère Partie : Catlin - L'Homme Augmenté" en 2050
3ème Partie: Les Tours d'Habitations écologiques et connectées - la Canopée
4ème Partie : Mylan - Disparition des "Insurgés" - Perte du "Moi"
Tags : Orage violent, Nuit, pluies diluviennes, danger, survie 5 mn, crapauds-buffles, froid, aube, LILOU, Amnésie Dérik, Beauté Lilou, les Hommes
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Commentaires
J'ai rattrapé mon retard dans la lecture et brr je me retrouve maintenant sous cet orage , heureusement oui que les cabanes sont sur pilotis . Je ne savais pas que les crapauds buffles étaient aussi voraces , ça fait froid dans le dos .
Pour en revenir à Derik il semblerait que Lilou ne le laisse pas indifférent ...
Bonne journée
Bisous
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Vendredi 18 Mai 2018 à 18:46
Un grand merci Jazzy ! Tu sais, j'apprécie tellement que les aminautes viennent me lire : ça m'encourage de continuer...
Moi non plus, je ne savais pas pour le crapaud-buffle ! fait pas bon d'aller traîner ses mollets dans son coin d'eau !
Pas facile pourtant de trouver maintenant les bons mots clés avec Internet à cause des listes interminables de Pub pour restos, magasins, ou magazines .... avant de choper enfin l'article attendu !
Oui, je ne sais pas du tout comment ça va finir lorsque Dérik va retrouver sa mémoire.... bien que Mylan soit bien loin de lui ! Mais comme le récit me mène tambour battant suivant les imprévus trouvés sur le Net... Je zigzague entre mes notes et ces imprévus, et j'ai bien du mal à retrouver le fil....
Gros bisous
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Pas facile de survivre dans un endroit où la nature prend le dessus, animaux ou plantes présentent un danger... Mais un rayon de soleil, prénommé Lilou va sûrement lui être de bon conseil et lui redonner confiance en la vie... attendons la suite!
bisous
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Vendredi 18 Mai 2018 à 18:38
J'ai bien du mal à concocter les suites ! J'avais préparé des dossiers (nourritures : 10 pages, santé, plantations... etc !) et pan, je tombe sur un article sur le Net sur un phénomène constitutif au brouillard, et me voilà partie complètement ailleurs...
Ce n'est pas moi qui mène le récit, c'est le récit qui me mène par des chemins de traverses imprévus .... Mais je raffole ! J'aime les découvertes...
Voilà l'orage qui reprend ! Ts lesjrs, il m'embête ... coupures de courant, mon texte qui s'envole parce que j'ai oublié de l'enregistrer... pfff
Merci Maryline et gros bisous
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Les conditions de vie semblent particulièrement éprouvantes !!
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Vendredi 18 Mai 2018 à 18:32
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J'en sens l'humidité d'ici, Luciole ! Et pauvre petit oiseau, hein ! Loi de la nature : le gros mange le petit ! Bonne soirée !
Bises♥
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Vendredi 18 Mai 2018 à 18:29
Coucou Colette
Suis très en retard, avec mes excuses !
L'Humidité, on l'a en ce moment ! chauffage comme en hiver, tant c'est pluie, pluie et orages... ts les jrs ! Je n'ai pas quitté le sous-pull et le pull...
Mais pour avoir visité la Guadeloupe en fin de saison humide, je peux t'affirmer que l'Humidité, tu la manges !!! tant elle est épaisse et poisseuse... Heureusement, nous avons eu de beaux jours, mais humides quand même ! (un merveilleux pays quand même : j'ai pleuré en rentrant tant j'ai aimé !)
Une Loi de la Nature qui aime l'exubérance, mais à côté de cela : la vie est chère !
MERCI Colette et bcp de bisous
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il ne faut pas craindre le froid et l'imprévu pour vivre de pareilles aventures
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Vendredi 18 Mai 2018 à 18:24
Coucou Gazou
Ah ça oui ! J'ai lu des reportages de personnes qui sont parties "à l'aventure"... pas triste ! "L'aventure", ils l'ont vécue !
Il fait une chaleur étouffante et humide la journée, mais les nuits et matins sont froids ! Un des aventuriers raconte qu'il faut boire jusqu'à 6 l par jour pour ne pas se déshydrater tant ils transpiraient la journée...
Merci de tout coeur Gazou
Bisous
Pas pu venir sur vos blogs, car très prise et surtout un orage ts les jrs !!! encore aujourd'hui tout l'après midi qui vient de finir
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Coucou Luciole,
Quand on entend les soi-disant écolos parler de la mère nature, on peut rigoler, car dans la nature la vie n'est pas de tout repos, tous les animaux bataillent pour leur survie, mais les hommes ont l'ego si dimensionné qu'ils pensent qu'eux s'en sortiront!
J'aime beaucoup la cabane.
Gros bisous en attendant la suite
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Vendredi 18 Mai 2018 à 18:19
Coucou chère Livia
Les Locaux ou les Hommes les plus aguerris peuvent survivre dans la Jungle ... car le danger est à chaque pas, sans parler des moustiques... les fourmis et autres insectes ... et connaître toutes les possibilités de nourriture sans se tromper... car la Jungle est un vaste grenier pour qui sait en tirer le maximum !
Les animaux effectivement vivent une lente descente aux enfers quotidienne !
Merci Livia et très bonne soirée (nous orage et pluie, comme d'hab... juste soleil ce matin, mais frisquet !)
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Bonjour ma chère Luciole. Tu une conteuse incroyable.
Pour la grenouille, elle prend tout son temps pour s’approcher de l’oiseau.
Je ne savais pas non plus que les grenouilles mangeaient les oiseaux. Elles baissent dans mon estime.
IBonne journée. Nous sommes présent sur la route, car nous partons ce soir pour une croisière sur le St-Laureont au Québec. Nous
passerons de bons moments. Au plaisir de te relire
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Vendredi 18 Mai 2018 à 18:10
Coucou Ginette
Enfin un peu de temps pour venir te répondre ! Orages tous les jours... Aujourd'hui aussi : il fait déjà nuit tant le ciel est noir ! Quel mois de Mai !
Tu dois être sur le bateau en ce moment : quelle chance !!!
Amuse-toi bien surtout et j'attends avec impatience ton compte rendu et les photos inoubliables !
Pour le crapaud, c'est un énorme bestiau exotique qui a de l'estomac et de la force..., qu'on appelle le crapaud-buffle... ça m'étonnerait que nos petites grenouilles puissent le faire ???
A la rentrée donc et bisous à vous deux
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bonjour Luciole , ah oui c'est une belle histoire ... merci ! et cette vidéo du crapaud qui mange un oiseau ! ah làlà atroce je ne savais pas que ça pouvait exister !!! bisous belle semaine a +
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Lundi 14 Mai 2018 à 10:23
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Exactement le genre de phrases que j'aime, l'écriture qui titille mon imagination et me donne envie de cheminer dans un texte :
« Plantes et animaux se massacrent, se déchiquettent, se dévorent mutuellement... et vivent un long cauchemar... La Jungle est comme un estomac monstrueux qui engloutit tout ce qui vit... »
Très impressionnant le crapaud qui mange un oiseau !!! Quelle créature !!! Et quel monde fascinant et impitoyable, on en redemande!
De plus, une très jolie « inclination » se révèle entre les personnages...
Bravo, une nouvelle fois, tu nous tiens en haleine et c'est très bien écrit
Bises amicales
Cendrine
Merci infiniment Cendrine.... j'ai longuement travaillé ces textes sur la forêt et les éléments, car l'Afrique, berceau de l'humanité, me fascine... notamment le Gabon ! Quel dommage que je n'ai plus l'âge ni la santé pour y barouder !
Je suis vraiment heureuse que cet épisode t'accroche et te plaise...
Mais je n'oublie pas que Dérik avait une vie "avant" de perdre la mémoire et qu'il suffit qu'il la retrouve pour qu'elle se mette en travers d'une nouvelle idylle ! Je ne sais pas ce que mes personnages vont me concocter encore comme suspens ?! (et c'est l'entière vérité !)
Bisous