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Gare à l'eau qui dort 3ème partie : Portrait de Damien MAYER
Gare à l'eau qui dort
3ème partie
DAMIEN
Sarabande de Haendel
Se levant d'un geste las, Damien rangea enfin son bureau, portant les dossiers classés secrets ou importants dans le coffre qu'il referma soigneusement... Il avait hâte de regagner sa belle propriété enfouie dans la verdure d'un grand Parc artistement arboré et fleuri, située dans le quartier résidentiel de la ville.
Il soupira, Louise-Hortense devait déjà dormir. Comme à son habitude, sa femme Louise l'attendait en lisant dans son fauteuil confortable en cuir blanc, recouverte de son magnifique plaid en cachemire chatoyant offert par son père, devant la cheminée où crépitait été comme hiver une belle flambée de hêtre.... Louise était frileuse .... et l'immense villa froide, inchauffable... Bien trop vaste pour les goûts simples et économes de Damien.... et trop petite pour les réceptions obligées qui dévastaient sans cesse ses finances....
"Ah ! je dois commander du bois bien sec au pouvoir calorique optimal qui ne dégagera pas trop de fumées, donc pas de gaz à effet de serre.... invariablement du hêtre pour Madame car il était le seul à crépiter selon ses voeux.... La note allait encore être salée ! Cette femme de luxe me coûte une fortune.... "
S'il l'écoutait, il engloutirait vite le Bien de ses pères. Louise était une petite chose fragile qui végétait dans le mirifique salon qu'elle avait décoré avec un goût exquis... en dehors de son jogging avec son coach et des visites mondaines, de ses shoppings avec ses amies et des matinées culturelles... Elle ne s'occupait que peu de sa fille Louise-Hortense, confiée à une nounou et menait la vie dure aux domestiques s'occupant de la Villa.... et du Parc... Ces domestiques la délestaient avec un empressement respectueux, qu'il n'obtenait jamais lui-même, de toutes les tâches quotidiennes...
Louise
Cependant, elle avait une classe incomparable pour recevoir les invités de marque tout en ayant l'oeil à tout... Rien ne lui échappait ! Il admirait profondément chez elle cette classe innée, privilège que possèdent les castes dominantes, fruit d'un lent et long processus de formation dès la naissance..., empreinte corporelle des expériences vécues dans des situations d'élite....
Inscrire en soi la marque du "privilège" et lui donner l'expression corporelle, définition de "l'aisance"... que Damien était loin d'avoir.... Il n'avait aucun mal à se documenter sur écrivain, poète, artiste, musique classique, choix des vins.... ou autres, mais Ô combien lui était plus difficile de savoir comment se comporter "'dans le monde" .... Et pourtant, il était impératif qu'il sache manoeuvrer avec assurance dans une Société aussi structurée....
Il profitait bien souvent du charme irrésistible de sa très jeune femme pour élargir le cercle de ses relations d'affaires... Elle brillait de mille feux, pur diamant au milieu de pâles imitations ! Elle subjuguait par sa beauté qu'elle savait parfaitement mettre en valeur, par ses tenues et ses parfums hors de prix, par son rire léger, musical, ses gestes gracieux, élégants....
Il savait qu'il ne pourrait jamais lui donner l'avenir dont elle rêvait ! Et, tout comme son père l'avait été à un niveau moindre, il avait constamment, désespérément, besoin d'argent !
Louise n'aimait pas les choses ou les plaisirs vulgaires... Elle étalait volontiers une opulence indécente avec une grâce insolente qui déplaisait à Damien..
Le luxe est un colosse aux pieds d'argile... Eblouir est ruineux ! On s'immole vite en folles dépenses ... Le Bonheur se rit de ces vains plaisirs qui camouflent bien souvent des vérités amères...
Damien était devenu un Homme inquiet... Il se sentait captif de sa vie actuelle... Ça finissait par altérer son humeur.
L'âme se gâte à se contrefaire sans cesse !
Il avait tant de mal à s'intégrer dans ce monde étranger de la Haute Société, ressentant l'extrême précarité de sa situation.
Pourtant, il ne s'épargnait guère, n'ayant qu'une préoccupation : ne pas passer pour un incapable, ou pire pour un idiot !
Profondément humilié par le fantasme de sa mère, par les supplications de son père, qui le confortaient sans cesse dans cette obsession : devenir le Leader du Marché des Assurances, reprendre la petite affaire familiale au bord de la faillite, au détriment de son bonheur, au détriment de son bien être....
A cause de ses parents, ses rêves d'enfant - devenir écrivain et vivre en bohème - avaient pris une toute autre tournure !
Il s'était laissé enfermer pour ne pas chagriner ses parents, pour ne pas les décevoir... pour les sauver de la faillite.... Il s'était laissé marier à cette jeune fille mondaine dont il n'était pas amoureux....
Sans cesse sur le qui-vive dans ce monde raffiné qui tuait "l'autre" d'une manière subtile... l'obligeant à abdiquer sa dignité d'être...
Sans cesse cette Epée de Damoclès : montrer à tous ces gens friqués, beaux parents, femme et privilégiés, qu'il pouvait les surpasser par son intelligence, sa compétence.... les éblouir par ses talents !
Eternel présumé coupable d'avoir "abusé" de sa femme par cette union basée sur le besoin.
Honte de la pauvreté de sa jeunesse insouciante... et de devoir habiter cette demeure somptueuse offerte par Beau-Papa à sa fille unique, à sa fille chérie.....
Damien pouvait passer à tout instant d'une assurance arrogante à l'anxiété la plus noire, persuadé que "tous ces gens" n'attendaient qu'une faille, une faiblesse dans la cuirasse qu'il s'était forgée tout au long des longues années avec acharnement... pour le briser mentalement, psychologiquement... et mettre en faillite cette belle entreprise qu'il maintenait à bout de bras....
Profonde haine mâtinée de fascination pour ce monde codifié, protocolaire, qui entravait sa liberté !
Ah, qu'il eût aimé la liberté simple de l'Homme de la rue qui, n'éprouvant nulle influence et nul jugement, pouvait vivre à sa guise, n'intéressant personne....
Cet éternel blessé se consumait de rage sous les sarcasmes, les sous-entendus, les regards narquois concernant sa si jeune épouse aristocrate ... la fortune de Beau Papa et la soudaine ascension dans l'échelle sociale de la petite entreprise familiale.....
Sans parler de sa femme qui voulait tant lui démontrer qu'elle était un indispensable atout pour lui.... alors qu'il s'enfermait de longues heures dans son bureau, dans son rôle de Leader, à travailler jusqu'à la folie, jusqu'au désespoir....
L'apparente unité de leur couple se construisait sur des mirages, des illusions, des mensonges, des faux semblants... Damien avançait si masqué qu'il était difficile de deviner la meurtrissure sous-jacente....
Dépendant de la Belle Famille, de son épouse, du milieu qu'elle incarnait, il n'avait plus la possibilité de lui parler en termes clairs, directs, vrais... Il était avec elle d'une courtoisie extrême, d'une indifférence polie avec une gaité feinte .... qui sonnait triste !
Il était loin pourtant de chérir la servitude, mais il s'était engagé trop loin, dans l'impossibilité de faire marche arrière.... malgré ses impérieux désirs de retrouver sa liberté d'être.....
Dès lors, la fausseté s'enracina en lui.. Il se créa une double vie, un monde à part où le naturel de sa complexité intérieure s'élançait en liberté. Un monde voluptueux qui, flattant son orgueil, courbait devant lui....
Son sang bouillonnait au contact des Babé, délicieuses petites choses au babil frivole, à la malice osée, pleines de vivacité, qui paraient leur charmante nudité de provocants déshabillés ....
Ces roses à peine écloses le ravissaient, le réchauffaient de leur extrême jeunesse.... Sa supposée fortune exerçait sur elles un pouvoir souverain....
Il se satisfaisait de ces brèves aventures sans lendemain. Il était hors de question de mettre sa position et sa tranquillité en danger !
Mais il se lassait vite, ces Babé se flétrissaient par trop de papillons se posant sur elles...
Alors il débaucha Agathe , nouvelle Babé, bouton de roses sans épines, toute fraîche encore, un peu perdue dans sa virginale vertu, muse novice qu'il se réserva et logea à grands frais.... ne lésinant pas sur les petits cadeaux qui entretenaient les amitiés vénales pour son plus grand bonheur....
Babé était devenue une petite créature volcanique qui se livrait sans hésitation à ses pulsions incontrôlables ... Damien adorait cela ! Il aimait la sentir déchaînée et sans retenue aucune... Une vraie chatte sauvage....
Comme elle le changeait de sa prude épouse !
Damien soupira, profondément indécis ! Il eût tant aimé la rejoindre ! Désir impérieux, violent, voluptueux qu'il avait bien du mal à canaliser.... tournant dans son bureau comme lion en cage....
Mais ce travail, cette heure si tardive... La prudence lui conseillait de rejoindre sa femme qui l'attendait tranquillement, en lisant, au coin du feu....
Rampant par ambition, se toisant avec mépris, avec au coeur une haine impuissante... il quitta le bureau.
Adèle fouinait encore, selon sa détestable habitude de partir la dernière.... L'espionnait-elle ? L'odeur écoeurante de ses éternels "bouillons de poule" crachés par la machine du Hall empuantissait l'air, toute sa personne...
Depuis leur sévère algarade au sujet de Justine, elle le boudait, avec cette souffrance disproportionnée qui la caractérisait lorsqu'il osait la contrarier....
"Mais quoi, je dispose à mon gré de mon personnel !" ragea Damien, passant devant sa figure qui virait à l'aigre en la saluant à peine....
Depuis six mois déjà, Justine donnait toute satisfaction. Il allait même jusqu'à lui confier des dossiers sensibles qui demandaient compétence, doigté et discernement... excitant la jalousie de l'encombrante Adèle... Il se fera un immense plaisir de provoquer la "mise à la retraite" de cette mégère dès que Justine connaîtra toutes les facettes de cet emploi, d'importance capitale pour l'Agence....
Il n'oubliait pas qu'Adèle avait été la maîtresse de son père et combien elle avait fait pleurer sa mère ! Il l'avait compris fort petit, sa mère ne se gênant pas de le crier à son père devant lui.....
Luciole
A suivre
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« Gare à l'eau qui dort 2ème partie Entretien d'embauche entre Damien et JustineGare à l'eau qui dort 4ème partie Louise, épouse de Damien »Tags : Roman 1, Agences assurances, patron, couple, mésentente, aristocratie, mondanités, épouse, maitresse, frustration, adultère
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Commentaires
9VictoriaMercredi 17 Juin 2020 à 15:21Bonjour Luciole, effectivement, j'avais lu la première partie de l'histoire et je découvre avec surprise la suite. Les personnages sont bien cernés. Damien ne s'épanouit pas dans sa vie, se contentant pour assurer ses arrières de quelques coups de canif dans le contrat de manière à échapper au côté morne de son existence. Je me demande où cela va le mener. Je reviendrai avec plaisir continuer ma lecture. Ce texte est vraiment très bien écrit. Bon après-midi
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Mercredi 17 Juin 2020 à 15:38
Coucou Victoria et merci d'avoir pris le temps de me lire.... et des compliments qui me touchent bcp
J'ai eu tellement de probs avec mon ordi - enfin parti chez HP pour une réparation - que je n'avais plus l'envie de venir répondre aux commentaires.... Je profite d'un portable tout neuf d'hier pour enfin visiter les blogs....
Bcp de bisous et à bientôt
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J'aurai détesté comme Damien ce monde frelaté, puant le fric et le clinquant, je n'aimerai pas y vivre.
Pauvre Damien!
Bises et belle journée
je vois à la météo en ce moment qu'effectivement la pluie a bien fait des dégâts....pas chouette du tout, mais que faire contre le temps....j'espère que tu n'as pas été trop touché et que tu as pu aller te faire soigner....merci pour ton passage, je te souhaite une bien agréable journée
Damien, réagis pendant qu'il est encore temps !!! Tu t'enlises, là !!! Suivre les traces de ton père, pas nécessaire. Fais un homme de toi, hein ! Puis Justine qu'en feras-tu ?
Bonne semaine Luciole et bon mois de décembre,
Gros bisous♥
Eh bien en effet Damien vit dans l'illusion permanente et à courir après un bonheur factice . Mais il y a une petite lueur d'espoir car il en est conscient .
Bonne journée
Bises
je le plais vraiment Damien, l'argent ne fait pas le bonheur mais c'est bien il en a conscience et je sens qu'il va changer. BisousDouble vie et prison dorée côté épousailles... gare si la légitime l'apprend... ah les petites secrétaires... pas si modèles en tout... Bonne nuit, bises
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Ajouter un commentaire
C'est un homme malheureux finalement ce Damien, qui essaie de se consoler dans les bras de jeunes femmes vénales !
Quand à Justine, apparemment secrétaire modèle et dotée d'un sacré tempérament, j'attends de savoir ce qu'elle va devenir dans l'entreprise et pour sn patron...