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Gare à l'eau qui dort n° 54 - Le Château de Louise
Gare à l'eau qui dort n° 54
LE CHÂTEAU DE LOUISE
Louise est en proie à une violente jalousie envers la sublime Agathe,
la toute jeune maîtresse de son défunt mari, Damien...qu'elle compare à Eve... ou Lilith ...Va -elle tenir sa promesse faite à Damien sur son lit de mort ?
La toute jeune Agathe, maman d'une petite Daisy de deux mois, fille de Damien,
est incapable de survenir à ses besoins et à ceux de son bébé....Louise arrivera-t-elle à dépasser ses répulsions et accepter de prendre chez elle la mère et l'enfant ?
Quelle sera la réaction de ses riches Parents aristocratiques, fort repliés sur "leur Monde" et sur eux-mêmes ?
Lou, douze ans, acceptera t-elle de cohabiter avec l'ex-maîtresse de son père ainsi qu'avec sa petite demie soeur ?Une foule de questions à laquelle Louise devra répondre au plus vite !
Louise découvre avec effroi les conditions de vie des adolescents dans le CEF (centre d'éducation fermé)
Dans lequel elle rencontre enfin la jeune Agathe et sa minuscule fille, Daisy, deux moisAdrienne, surveillante du CEF, pactise avec Louise, mais Mr Matois, le Directeur, est fort désagréable Réussira-t-elle à repartir avec les "petites" malgré les vives réticences de ce Directeur ?
Adrienne
Monsieur MATOIS, Directeur du CEF et ADRIENNE VALARD, surveillante
(CEF : Centre d'éducation fermé)
Dans l'ascenseur, Louise se hasarda soudain :
- "Y-at-il des problèmes avec la drogue, dans votre établissement, Adrienne ?"
- "Pourquoi, Madame, la petite se drogue ?" tempêta Adrienne, brusquement alertée....
- "Je ne sais, Adrienne ? Je me pose la question ?" lui répondit anxieusement Louise, qui eut peur de poser des problèmes à la jeune fille...
- "Pffffff ! Allez savoir ? Y sont doués pour la cacher, mais j'me pose aussi la question, parfois, en voyant leurs têtes, à ces vauriens ! On les visite, on les fouille, on fouille leur chambre, leurs colis, et ... on trouve rien ! Quand on trouve, alors là, ça barde, j'vous l'dit ! Le fauteur de trouble est viré... Où ? dans un établissement de "correction", tiens ! ça calme les autres pour un bon moment...
Pour la petite, j'crois pas ! Sincèrement ! Elle paraît clean, même si parfois, elle a un grain ! Mais ici, on devient vite fou, vous savez ! Y'a des surveillants qui ont été virés pour cause d'alcoolisme, tellement ils en avaient marre de c't'endroit minable"
Elle regarda brusquement Louise dans les yeux ! Louise n'ouvrit pas la bouche, mais son regard était éloquent.... Adrienne secoua longuement la tête, et poussa un gros soupir...
- "Bon, j'crois qu'j'ai compris, Madame... J'vais ouvrir l'oeil et les oreilles ! Pôv'gosses, tout de même, avec quoi ça vit, maintenant, les enfants !"......
Elles arrivèrent au pas de charge dans le Hall de réception. Louise eut du mal à suivre Adrienne. La souris grise continuait à taper, casques sur les oreilles, sans prêter attention à quiconque...Probablement sa méthode de survie ! Quelques nouveaux gamins attendaient en silence, tassés sur les chaises, jambes négligemment allongées, bras croisés et la têtes basse...
- "Adrienne, quand l'une de mes camarades en pension était indisciplinée, on l'envoyait chez le Directeur ! Ici aussi, je suppose ? Qu'attendent tous ces jeunes ?"
- "Ah ben, soit c'est comme vous dites, soit c'est des nouveaux ! Souvent, y'a les gendarmes qui les amènent et qui restent sur place pour les papiers ! Ceux-là, à leurs têtes coincées, c'est des nouveaux ! j'les connais pas tous, pensez donc, y'en a bien trop, maintenant !"
Bon, vous en faites pas, il est pas méchant, le Patron, il grogne tout le temps, mais il est bien brave ! Il fait ce qu'il peut avec peu de moyens...Il est un peu noyé sous l'avalanche de mômes , mais y'a pas bezef de subventions !!! Vous savez combien ça coûte, un gosse en moyenne ici ? Presque 600 € ! Et c'est la Société qui paye pour eux ! C'est pas rien !
Enfin, ce centre va bientôt fermer, on va le transférer dans de nouveaux locaux tout neufs, plus près de la ville voisine, après l'hypermarché, quatre ou cinq hectares y paraît, avec des dortoirs séparés, deux pour les filles, deux pour les garçons, avec même un salon télé dans chaque bloc...
Pis des blocs ateliers et des blocs pour les classes de l'école, le tout dans un grand parc avec de vrais arbres et des animaux, des lapins, des poules.... Puis un potager pour les gosses qui veulent se mettre à la terre, on sait jamais. Et bien sûr une salle de sport, un terrain multisports, une piscine couverte et une salle des fêtes avec l'théâtre et l'cinéma dedans! C'est y pas beau, ça ? L'grand luxe !Alors on est dans les cartons... Ici, c'est plus possible ! Y vont en faire des logements HLM... Les pauvres gens, parc'qu'y a les pierres qui restent et elles gardent mémoire des souffrances des p'tits. !!!
Moi, j'aurais abattu cette barre sans sommation, boum ! Ah ça oui ! "C'est pas humain d'entasser des gosses dans c'clapier!Heureusement, y'a des gens biens, qui s'démènent pour eux ! Une Asscoce s'est créée, et se chargera de tout désormais ! Dommage, y manquent de fric, comme d'hab ! Dans la Haute, on s'en fout... les gosses gênent, alors on les planque n'importe où !
Une chance que chez nous on les flingue pas encore !!! parc'que dans certains pays étrangers, Madame, on leur tire dessus ! Hé oui ! Ou on les crève au travail, 250 millions de gosses dans le monde qu'on crève au travail, Madame !" *
Enfin, le Patron et moi, on s'tire, on est trop vieux ! On prend notre retraite et basta, à nous la belle vie ! Lui tout seul, il a jamais eu le temps de prendre femme, et moi dans ma campagne, avec mes poules, mes canards , mon verger et mon potager... dans la ferme de feux mes parents........
Pour en r'venir au nouveau CEF, y'aura toute une équipe de jeunes diplômés pour tous ces gamins, avec des moyens modernes, des caméras partout, et des hauts grillages comme dans l'armée... Plus de murs, les gosses n'aiment pas, ça fait carcéral !
Mais s'ils déraillent, ce s'ra la prison net, direct, pour eux ! ça s'ra plus cool et en même temps plus strict qu'ici ! Y signeront des contrats pour les habituer à respecter la parole donnée...Enfin, c'que j'en dit, c'est pour vous ! Pour que vous r'partiez pas le coeur en vrac...
Demandez à aller visiter le nouveau CEF, au Patron : "l'Arche de Noé", ils l'appellent, sans doute parc'que les gosses sont des rescapés de la vie?! C'est sur votre route de retour, après l'hypermarché...
Bien le bonjour, Madame, et bon retour avec les mioches... Si vous voulez venir vous reposer un jour, demandez Adrienne Valard dans ce bled perdu, en Normandie, j'serais bien heureuse de vous r'cevoir !"
Et Adrienne lui tendit une carte de visite qu'elle avait sortie de sa poche, lui broya les deux mains et repartit derechef dans "son couloir"....
Les jeunes se détendirent soudain... Pour eux, Louise émettait une aura mystérieuse, presque magique ! Elle était si belle, si altière, comme une actrice de cinéma ! Ils ne la quittaient pas du regard, les yeux écarquillés rivés sur elle... Puis, très rapidement, ils la dévisagèrent effrontément...
- "La vie d'ma mère: quelle sape griffée, la meuf !" murmura un gamin africain, fort admiratif.
Louise s'interrogea : Avait elle quelque chose qui les excitait ? une tenue trop sexy ? Un maquillage trop parfait ? La fragrance de son parfum de luxe ? En temps ordinaire, elle aurait tourné les talons et serait partie sur l'instant....
Soudain, ils se mirent à roucouler tous en choeur... "Rouuu-rouuu, Rouuu-rouuu ..............sur deux notes, mais sans la moindre agressivité !
D'abord gênée, Louise fut envahie par un sentiment bizarre où se mêlaient une curieuse satisfaction vaguement honteuse, voire dérangeante, et une furieuse envie de rire... Faire tourner les têtes, à son âge !!! Elle les regarda avec une franche sympathie et leur envoya un petit sourire amusé...
Les ados, mouchés, renoncèrent, têtes baissées, en pouffant discrètement....
Louise faillit éclater de rire en se rappelant brusquement la joie naïve d'Agathe d'être la coqueluche des passants de sa rue !!!
La porte du bureau du Directeur s'ouvrit enfin, et il la fit entrer. Il régnait dans la pièce une terrible odeur de poussière et un tel capharnaüm qu'elle chercha où s'asseoir... La banquette et les deux fauteuils de cuir noir devant la fenêtre sans rideaux, mais munie de solides barreaux extérieurs, croulaient sous le poids de cartons empilés... Plusieurs chaises paillées supportaient des piles branlantes de livres ou de dossiers... Des cartons vides sur le sol attendaient, gueules béantes, d'être repus !
Il s'excusa vaguement : "Désolé, on déménage !" et lui porta la seule chaise paillée de libre, recouverte d'une galette crasseuse aux couleurs indéfinissables...
Ecoeurée, Louise sortit un petit mouchoir brodé garni de dentelle de son sac, le déplia tranquillement et l'étala sur la galette sans se préoccuper du gloussement sarcastique du gros personnage aux lèvres lippues, aux yeux globuleux chaussés de lunettes de myope, aux cheveux rares, grisonnants et frisottés en couronne autour du crâne... Il était mal rasé, sentait la sueur et son costume fripé n'avait manifestement jamais connu le pressing. Une verte odeur d'eau de Cologne bon marché acheva Louise...
Elle fut tenter de porter à son nez un kleenex mouillé de quelques gouttes de son parfum, en guise de protestation muette, mais cet affront indisposerait le Directeur : il risquerait de refuser sa requête !
Le Directeur, profondément offusqué par le geste hautain de cette "pimbêche d'aristo" l'attendait au tournant ! Il en avait matés de pires, filles ou garçons ! Sans blague !
Louise, effarée, fut âprement questionnée sur des choses relevant de l'intime, sur sa vie, sur ses revenus, sur les habitants de sa maison. et naturellement, sur son défunt mari... Confortablement assis dans un vaste fauteuil de cuir noir, il prenait des notes sur un bloc formé de versos vierges de lettres ou de documents... au milieu d'un fatras de dossiers empilés sur un bureau poussiéreux...
Il fut odieux sur toute la ligne ! Elle eut envie de fuir... Il était fort regrettable que de jeunes adolescents paumés, fracassés par la vie, soient confiés à cet homme puant.. Bel exemple !!! Elle se promit d'alerter Dorian une fois rentrée... Puis elle se souvint qu'il devait prendre sa retraite, d'après les confidences d'Adrienne... Chance pour lui ! La surveillante le qualifiait de "bien brave" ??? Il était poisseux, cet homme !
Louise avait la nausée.. Il lui semblait se dissoudre, se liquéfier, dans cette atmosphère pesante, gluante... Elle étouffait dans ce lieu crasseux !
Le Directeur fut conscient du malaise évident de cette "gravure de mode", aux antipodes de son monde épuisant et sordide... Dépité, il se montra sentencieux et lui parla comme à une enfant...
"........Pour quelles raisons voulez vous tant protéger les autres et vous-même ? De l'influence d'un monde mauvais ? Dans l'espoir de les garder éternellement auprès de vous, afin de les maintenant dans une dépendance infantile et de les déposséder de leur libre arbitre ?
"........Voulez vous vous attribuer le rôle tout-puissant d'un démiurge ? N'est-ce pas vanité de votre part ?
"..... Est-ce raisonnable d'enfermer les vôtres dans une bulle protectrice bien calfeutrée... ?
"........ Savez vous que le culte de l'argent prédispose à d'étranges choses, à une perte des repères, à une aliénation des individus... ? En avez-vous conscience ?.........."
Jamais Louise ne s'était sentie aussi humiliée ! Cela dépassait l'entendement ! Mais tout était affaire de patience... Elle argumenta tant et si bien qu'on en vint enfin à remplir les précieux papiers qui partiront à "l'Administration dès que possible"...
Puis il tergiversa longuement... Valait mieux attendre la réponse de l'Administration avant de donner l'autorisation à Louise de partir de suite avec les enfants....
- "Cela demandera un temps infini, monsieur le Directeur !" objecta Louise
- "Sans doute, sans doute ! Mais vous serez libre de disposer des autres à votre guise, selon vos lubies habituelles, une fois l'autorisation reçue.... En attendant, je préfère les garder sous mon autorité !" se récusa "l'odieux personnage" qui craignait un dérapage... Cette famille avait des antécédents peu glorieux ! Il valait mieux se protéger de tout scandale !
- "Bien, monsieur le Directeur, je vais remettre le dossier, complété de mon rapport circonstancié concernant notre entrevue, à une personne compétente qui, je n'en doute pas, fera diligence auprès de l'élite politique !" déclara avec hauteur Louise sur un ton péremptoire et cassant...
Le vieux renard tiqua ! Du chantage, maintenant ! Cette "Madame de.....de mes d...." avait certainement des entrées dans les sphères de la Haute Société, même si les agissements de son mari la discréditaient pour un bon moment au sein même de son milieu ! Il fallait rester prudent ! Ce n'était guère le moment de risquer de perdre des points sur sa toute proche retraite.... Toute une vie laborieuse réduite à néant pour un simple passe-droit refusé ? Il réfléchit longuement.... Il comprit qu'elle ne plaisantait pas, cette rombière guindée...
Louise bouillait !
- "Quelles sont donc les raisons de votre précipitation, Madame ?"
- "Votre établissement est détestable, Monsieur... Agathe et le bébé ne sont pas en sécurité ici, ni en bonne santé ! Je compte les faire examiner par mon médecin familial dès notre arrivée... La petite Daisy a la taille d'un nouveau-né, alors qu'elle est âgée de deux mois... C'est inadmissible ! De plus, je soupçonne fortement une libre circulation de la drogue dans cet établissement... Je refuse que la jeune Agathe ne fasse l'objet de mauvais traitements de la part des drogués qui veulent à tout prix lui refourguer leurs saletés ! Je vous en tiendrai pour responsable ! Suis-je claire ?"
Abasourdi, le Directeur se leva brusquement, prêt à exploser... Mais la détermination du regard de Louise le foudroya ! Elle savait quelque chose ! la gamine s'était elle déballonnée ? Merd..... c'était très mauvais pour lui... Malgré toutes les investigations de tous les surveillants, aucune substance illicite n'avait été trouvée ! Et pourtant, et pourtant... L'Adrienne avait des soupçons... et lui aussi ! Ou alors les gosses étaient tous atteints d'un mal mystérieux ??? Il se rassit lourdement... Il farfouilla dans ses tiroirs, en sortit une attestation de sortie, la remplit, la signa et la tendit à Louise...
- "Les enfants sont désormais sous votre entière responsabilité, Madame... et vous devrez en rendre compte.... Je vous prie de libérer la chambre d'Agathe au plus vite ! J'ai de la demande !!!"
Il se leva, passa devant Louise, ouvrit la porte et sortit sans plus de façon... Elle se leva lentement, replia soigneusement son mouchoir, l'entoura d'un kleenex et le fourra dans une poche de son jean, de toute façon bon à laver ainsi que tous ses vêtements, se dirigea vers la porte et entendit "le patron" donner des instructions d'un ton sec à Cécile, laquelle s'activa aussitôt...
Armée d'une pile de paperasses comprimée dans un dossier cartonné élastiqué, Louise se dirigea vers la chambre d'Agathe... Adrienne la rejoignit en chemin, fort gênée, et l'accompagna silencieusement... Seules les clés tempêtaient sur sa large cuisse.... Tout le rez de chaussée se réjouissait de la violente algarade entre le Directeur et l'élégante..... Pas commode, la Daronne !
Agathe avait changé la petite Daisy. Le bébé tétait avidement le sein de sa jeune mère... Attendrie, Louise s'assit, épuisée et sourit à la jeune fille...
- "Ouf, c'est gagné ! Je vous emmène !" déclara sobrement Louise
- "Oh ! Merci Madame, merci !" ne put que dire Agathe, les yeux brillants de joie... Elle n'osait bouger, de peur que Daisy ne se mette à hurler... La petite s'effrayait pour un rien !
Louise téléphona à un transporteur... Puis Adrienne et Louise emballèrent tous les effets d'Agathe et du bébé dans de nouveaux cartons... Elles attendirent les déménageurs, pendant que bébé faisait son rot... Louise n'osa pas toucher à la minuscule poupée aux yeux d'un vert bileux, Adrienne l'habilla de laine avec des gestes tendres et Agathe fut prête en un temps record...
Trois hommes costauds emportèrent rapidement les cartons dans le camion. Louise, suivie par Agathe et le bébé, accompagnés d'Adrienne, descendirent au rez-de-chaussée... Une haie d'adolescents silencieux les attendait, chacun devant la porte de sa chambrette, tout le long du couloir... Agathe les salua gentiment de la main, et, devant la lourde porte d'entrée déverrouillée, embrassa joyeusement Adrienne fort émue, et sortit, profondément soulagée...victorieuse... "victoire, victoire !" murmura t-elle à sa petite..."On a gagné, mon bébé, on a gagné !"
Un froid polaire les saisit dès la porte d'entrée franchie.. Il avait plu et le sol était détrempé ! Louise s'inquiéta violemment ! Sapristi, la Clio !
La Clio surnageait dans une mare de boue.... Elles regagnèrent rapidement la voiture rouge. Agathe, qui portait de hautes bottes en plastique, pataugea sans crainte dans la boue et s'installa derrière avec le bébé dans les bras. Louise se morigéna : elle avait oublié le siège- bébé pour Daisy... Celui de Lou devait traîner quelque part dans le sous-sol de la Maison ?! Il suffisait de le nettoyer avec soin... Penser à avertir Elsa !
Tétanisée par la peur de perdre ses jolies bottes en daim, Louise planta avec précaution ses pieds dans la gadoue... Peine perdue, les bottes prirent l'eau presque de suite... définitivement fichues... Ses pieds trempés se gelaient... Les bottes boueuses glissaient sur les pédales... Elle mit le chauffage à fond...
Mauvais idée : toutes les vitres intérieures s'embuèrent rapidement ! Une chance qu'un chiffon providentiel logeait dans le vide-poche latéral de la portière... Elle perdit un temps fou à passer le chiffon partout... Quelle galère !
Elle dut s'y reprendre à plusieurs fois en pestant pour désembourber la voiture qui patinait, réussit à dégager la Clio désormais toute boueuse, à l'intérieur comme à l'extérieur, vida presque le lave-glace sur les vitres avant et arrière... et roula avec moults précautions jusqu'à la Maison, les vitres latérales dégoulinaient de projections de gadoue, gênant la visibilité.....
Le camion, quasi déchargé, était garé devant le perron de la Maison !
Maminou était aux commandes.... Le Hall d'entrée se remplit de cartons,... Adèle les ouvrait, triait le linge qui puait avec dégoût, remplissait les nombreuses corbeilles à linge alignées comme une armée de soldats prêts à la bataille... Elle remit certains vêtements, surtout la lingerie féminine, "dignes d'une cocotte", dans des cartons vides.... en attendant l'avis de Louise... Tout était imprégné d'une forte odeur de moisi et d'urine.... Elle ouvrit la porte d'entrée en grand ! L'air humide et glacé s'engouffra dans le vaste Hall....
Ida et Elsa, réquisitionnées, portèrent les cartons de bibelots dans la chambre d'Agathe, sortirent les babioles, les lavèrent dans la vasque de la salle de bain d'Agathe, les passèrent au désinfectant, les essuyèrent et les installèrent sur les étagères d'un joli meuble-vitrine en bois laqué blanc ... Les hochets et jouets de Lou bébé, remontés du sous-sol, dument lavés et désinfectés, attendaient la petite Daisy... Le parc filet, garni d'oreiller et de jouets d'éveil trônait au milieu de la grande pièce claire rapidement transformée en chambre d'enfant...
Les déménageurs s'impatientaient ! Ils durent attendre, puis descendre tous les cartons de vaisselle et autre bricoles dans un box de l'immense sous-sol... Les cartons de vêtements jugés inadéquats par Maminou aussi... On vaporisa le box avec une bombe de désodorisant, pour tenter de contrer l'odeur infecte qui commençait à se répandre dans la Maison... Il faudra tout ouvrir, trier encore et encore et remettre ce qui restera dans des cartons propres...
Lou se calfeutrait dans sa chambre, et divaguait... Elle imaginait la tête de ses grands-parents au "Dîner". Cette soirée promettait d'être houleuse ! Ravie, elle se délectait déjà de ce qu'elle pressentait, un drame familial qui les sortira enfin de la routine des jours...
Elle était en rage contre Mummy ! Non seulement sa mère était souvent aux abonnés-absents, mais elle se permettait en plus de leur pourrir la vie en leur imposant une cohabitation hasardeuse avec la catin de son mari ???!!! Les initiatives de Mummy étaient d'un saugrenu !!! Ce soir, elle va déguster, Mummy ! Lou se mit à rire..... L'Autre allait en prendre plein la .... ! Elle n'osa pas prononcer le mot interdit, mais le pensa fortement ! Non mais ! Il ne faudrait pas qu'elle se prenne pour une princesse, celle-là !Dans le Hall d'entrée, Nany attendait avec anxiété Louise et les "enfants". Ils devraient être rentrés depuis longtemps ! Pourquoi tardaient ils tant ? Plus l'heure tournait, plus elle angoissait.....
Il ne pleuvait plus, mais le ciel noir plombait l'atmosphère. L'humidité glaçait les os. Nany s'enroula frileusement dans son épais châle de laine...
Enfin, elle entendit la voiture. Elle se précipita dehors... Quelle surprise de voir la clio en si piteux état, crottée jusqu'au toit ! Regan et son acolyte feront grise mine devant l'ampleur des dégâts !!! Louise se gara devant le camion, en sortit la première... les bottes dégoulinantes de boue... Nany appela les femmes à la rescousse, qui accoururent et stoppèrent net devant le triste spectacle...
Elsa se précipita au secours de Louise en lui retirant délicatement ses bottes... pendant qu'Ida ouvrait la portière à la jeune maman et son bébé... Elle prit tendrement le petit paquet enroulé dans une petite couverture de laine d'un blanc douteux... Agathe descendit enfin de la clio, le dos en compote, retira ses bottes plastiques souillées et, bottes à la main, pieds nus sur la pierre glacée, grimpa les magnifiques marches du perron, complètement ébahie par le luxe inouï du Domaine... Déboussolée, elle s'arrêta sur le perron, devant l'énorme porte d'entrée ouverte.... Se reculant au bord du perron, elle rejeta la tête en arrière pour admirer la façade, n'arrivant même pas à voir le toit...
Son coeur s'emballa ! Rêvait-elle ? Non mais quoi, c'est un château pour les rois et les reines, et pis les princes et les princesses, toussatoussa !!! Elle pivota lentement sur elle-même pour voir tout l'ensemble ! Ah la vache ! Et les pelouses, et les massifs de fleurs, et les arbres immenses... Et cette immense allée, même qu'elle en voyait pas le bout ! Fallait une voiture pour la parcourir toute entière... Diiiiiiis donc, tu mets une journée pour aller chercher le courrier à pieds.....
C'était un conte de fée ou quoi ? Un truc de ouf ! Si les autres voyaient ça ? Ils casseraient tout, c'est sûr ! Ils ficheraient le feu : les gamins de la rue, ça ne supportent pas le grand luxe.....Bah elle, elle savait plus ! Elle rêva d'un cheval... et même d'un Prince charmant .... Holàlà, elle allait habiter là ! Non mais je rêve ?
"Quand j'pense que Mylord était si rat et qu'il faisait des manières avec moi... Toussa, c'était du bluff, du cinéma ! C'est tout juste s'y s'faisait pas porter pauvre, ce c..... ! Non mais, à le flinguer, franch'ment !"
Une violente colère la saisit ! Il lui avait fait une vie d'enfer, alors qu'y's'la coulait douce dans son château ? Non mais quoi, malade, le beauf ! Elle imagina un incendie monstre là'd'dans, tiens ! Dommage qu'il était mort ! Elle se mit à le haïr tellement qu'elle en tremblait de tous ses membres...
Louise, amusée, la rappela doucement à l'ordre !
"Agathe, réveille-toi, s'il te plaît ! Tu vas attraper la crève ! Il nous faut prendre un bain, toi et moi, avant d'avaler le déjeuner.... Je meurs de faim, pas toi ?"
"Oh toi, c'est pas l'moment !" pensa fébrilement Agathe, qui crut piquer une crise de nerfs sur place... ça m'la coupe, ton château et pis tes fringues et pis tes boniches... Non mais des fois ! Alors qu'on crève la gueule ouverte, moi et Cathy, et pis les autres du CEF, toi, tu penses qu'à t'empiffrer ! Et pis un bain, en plus !"
Puis l'idée d'un bon bain chaud dans "son" château prit le dessus... Wouaaah, tout d'même ! Y'avait une justice ! Non mais des fois !
Une mémère toute peinturlurée, sapée comme pour un bal, avec un parfum d'enfer, qui d'vait coûter un bras, s'approcha d'elle et lui susurra, la bouche en coeur :
"Bonjour Agathe, et bienvenue ! Moi, c'est Adèle, ou Maminou, comme tu veux ! Je t'emmène à ta salle de bain ? Tu veux bien me suivre ?"
- "Et mon bébé ?" cria presque Agathe, qui tremblait violemment...
- "Nany, qui est une nounou confirmée, lui fait prendre un petit bain, à ta toute petite... Elle semble toute contente, ta pitchounette ! Elle sourit !
Elle est ravissante, ta fille, Agathe.. Ne t'inquiètes pas, elle est en bonnes mains !"- "Mes cartons !" hurla Agathe, terrorisée... "Mais qu'est-c'qu'on fout ici, hein, qu'est-c'qu'on fout ici avec mes cartons ? C'est toute ma vie qu'est là !" Elle vacilla, prête à s'évanouir !
- " Ne t'emballe pas, Agathe ! " lui intima fermement Adèle, qui comprenait totalement la pauvre enfant ! " Je m'en occupe afin de bien trier le linge pour le mettre à laver... Tu auras des fringues extras propres dans ta belle penderie, tout un mur pour ranger tes affaires...
Ta chambre est ravissante, tu sais, et ta pitchoun à une chambre pour elle toute seule, juste à côté de la tienne ! On peut pas dire qu'il sent la rose, ton linge, tout de même ! Toi non plus d'ailleurs, allez suis moi sans faire d'histoires, la Patronne n'aime pas ça ! D'ailleurs, elle baigne déjà ! On va bien s'occuper de toi et de la petite, n'aie pas peur, Agathe ! Viens !"Ebranlée, Agathe se laissa faire ! C'étaient pas des poubelles, mais des coffres à linge... Ah bon sang, c'qu'elle avait eu peur !
- "Mais c'est vraiment son château, à Louise ?" paniqua Agathe "C'est dingue, ici !"
- "Non, à son père ! mais c'est tout pareil, vois-tu ! Louise est la fille unique de son père ! Elle est l'héritière... "
- "Ben ça alors ! Si j'avais su ça ! j'm'aurais pas rongé les sangs ! Non mais franchement, tu t'rends compte, Maminou ? Non mais quoi, c'est dingue, c'qui m'arrive ! J'arrive pas, non j'arrive pas ! Mais t'es quoi, toi, ici ?"
- "La grand mère de Lou, la fille de Louise. Lou a douze ans !"
- "Ah pardon, j'ai cru qu't'était ... enfin, que vous étiez.... comme les autres femmes, quoi !"
- "Oh bien presque, Agathe ! Tu peux me tutoyer, tu sais... Ce n'est pas un problème ! Et même je préfère.... Je suis passée par les mêmes galères que toi avant d'atterrir ici ! Nous sommes soeurs de la misère, mon petit ! Bon, je t'expliquerais plus tard ! Tu viens, oui ou non ?"
- "J'comprends rien, Maminou, suis paumée... mais alors paumée.... T'es sapée comme une reine, alors t'es pas comme nous, quoi ? ça s'verrait !"
Adèle éclata de rire ! Elle se retint d'embrasser la jeune femme, blanche comme un linge pas frais ! Quand elle aura pris un bain !
- "Quand tu seras toute propre, toute fraîche, je te prendrais dans mes bras, mon petit lapin ! Tu as grand besoin de câlins, et ta petite aussi ! Mais pas tout de suite, tu... sens trop mauvais, misère ! Viens vite... "
Luciole
A SUIVRE
Magnifique reportage sur le travail des enfants de la rue dans le monde :
* https://www.droitsenfant.fr/rue.htm
Un très long rapport de l'Unicef, mais très édifiant :
* https://www.unicef.org/french/sowc97/sowc97f2.pdf
17/04/2021 : 176 visiteurs et 765 pages lues
ROMAN : "Gare à l'eau qui dort" - cliquez sur les phrases ci-dessous :
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Commentaires
Mais quelle journée!!! La pauvre Louise a bien du mal et la jeune Agathe qui se révolte??? Et bien ça alors!
J'attends la suite!
Bisous
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Lundi 19 Avril 2021 à 16:16
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Quelle affaire ! çà va pas être de la tarte, pour vivre ensemble... çà ne marche que très rarement ce genre de chose!
Bisous et bon dimanche
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Lundi 19 Avril 2021 à 16:12
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Le choc des cultures. Comment va se passer l'adaptation?( dans les deux sens !)
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Lundi 19 Avril 2021 à 16:11
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Que d'attention est nécessaire pour se comprendre quand on est de milieu si opposé
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Samedi 17 Avril 2021 à 14:06
Coucou Gazou et merci de ta lecture
Une chance que Maminou soit là ! Louise n'aura pas la patience requise pour s'occuper d'une gamine aussi délurée... Je compte sur Elsa et Ida pour faire son éducation... Romain sera une aide précieuse également....Mais chut !
Bon WE et gros bisous
Nous, ciel noir, froidure et petite pluie !
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Tres bien vue la scène avec le directeur et la carte des relations que joue Louise . C'est fou quand même comme les décisions changent vite après . Quant à l'arrivée d'Agathe au château , je crois que nous n'avons pas fini d'avoir des divergences entre le monde de Louise et celui d'Agathe .
Bonne journée
Bises
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Samedi 17 Avril 2021 à 14:02
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La confrontation de deux mondes.... Cela promet pour la suite !
Bises et bon vendredi
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Vendredi 16 Avril 2021 à 18:13
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Quand de part le quart-monde, un enfant doit travailler pour aider ses parents à "survivre" ce n'est pas normal... comme dit la vidéo... à quand une société plus juste de ce côté-là, un gagne-pain digne de leurs parents... bises, jill
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Vendredi 16 Avril 2021 à 18:12
Ouais ! mais comme la pandémie est passée par là, les pauvres gosses n'ont pas fini d'aider les parents... Une très triste réalité qu'il faudrait éradiquer au plus vite.. mais par la persuasion et l'aide efficace, plutôt que par la moralisation des stés plus avancées... Pas évident de faire changer les mentalités !!!!
Merci Jill Bill
Bisous
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Agathe fait-elle s'adapter dans ce nouvel univers. Bon weekend et bises-
Vendredi 16 Avril 2021 à 18:09
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C'est un début, mais ce ne sera pas facile du tout !!!
Merci Luciole et à la suite !!!
Gros bisous ♥ et bonne semaine !
Merci bcp Colette
Il est vrai qu'un temps d'adaptation de deux mondes opposés, celui de Louise et celui d'Agathe, sera nécessaire....
Mais Louise a la fichue manie de se débarrasser des probs en comptant sur les autres.... Grave erreur d'éducation !
Gros bisous