-
Paillasse l'épouvantail 6
Ecrit le 9/11/2011
PAILLASSE
Les oiseaux se rassemblaient en bandes serrées sur les grands arbres en piaillant, se préparant à la Grande Migration de l'Automne.
Puis, survolant le Jardin, traversaient l'espace en s'ébattant gaiement, menant leurs disputes bruyantes d'arbre en arbre.Des centaines de battements d'ailes emportaient la vie du Jardin. Seul un grand silence leur succédait....
Le Jardin, anesthésié, attendait maintenant le retour du Printemps. Les arbres, frissonnant sous une pluie fine, avaient déjà revêtu leur pelage fauve...
La solitude et le temps pesaient de tout leur poids sur le Jardin ruisselant.
Seuls le clapotis chantant de la pluie et le crissement de la chute des feuilles traversaient le silence.
Les lourds nuages avaient chassé le soleil et déroulaient leur grisaille monotone.
Des effluves d'humus, de sapins et de menthe imprégnaient l'air....
L'automne s'écoulait et tout coulait avec lui vers l'hiver.
Dans la mare, un petit voilier oublié, pris dans la tempête, tourbillonnait, se penchait dangereusement, mouillait ses voiles, puis virait brusquement poussé par le vent et repartait vers un infini, porté par l'eau couleur d'ardoise..... Les grenouilles coassaient.....
Coxi et Taco attendaient sagement la fin de la pluie, abrités sous de larges feuilles,
quand, soudain, arriva tout excitée une pie volubile qui leur raconta...
Paillasse, le taciturne Paillasse, l'épouvantail, délirait sous la pluie à grands cris !
Détrempé, il gémissait sans cesse, se mortifiait, sombrait...
Coxi s'envola derechef, bravant la pluie.
Elle aimait ce clochard de paille cruciforme perché sur son piquet de bois, affublé de vêtements tout troués et délavés...
Ce pauvre vieillard, insensible au froid, à la fatigue et à la pluie, l'âme enclose dans ses vieilles nippes, gardait le Jardin jour et nuit... traité comme un paria par tous les habitants du jardin....
Jamais personne ne lui manifestait la moindre sympathie, hormis Coxi.
Il continuait son travail solitaire, sans relâche, et on le couvrait d'injures.... On le traitait de fier, lui qu'une timidité maladive paralysait....
Et voilà qu'il craquait en ces jours de pluie... Ses sanglots alertaient tout le jardin endormi.
Assoiffé de tendresse, la douleur le broyait. Il s'étiolait peu à peu sous l'humiliation et l'injustice...
Il n'était pas sot, non, mais amoindri par toutes ses années de sacrifice. Il avait tout donné et, méprisé, il était épuisé...
Par crainte de déplaire, il s'était effacé pourtant, évitant de se faire remarquer....
L'Epouvantail se voulait aimable, mais engoncé dans ce corps de paille, avec une dégaine à faire pâlir.... c'était bien difficile !
Coxi accourue au plus vite au pied de son crucifix, l'écoutait, bouleversée.
Il avait même essayé de se rendre indifférent, pour moins souffrir, mais la culpabilité l'avait écrasé....Non, il ne le pouvait : Aimer et être aimé était son unique aspiration.
D'ordinaire silencieux, il cria soudain :
"Je suis de trop dans ce Jardin !"
Et finit par se taire, ne sachant plus que dire, tenaillé par l'angoisse du lendemain, de sa survie....
Pouvait on aimer un épouvantail ? Désespoir d'abandon, mort affective...
Sous son nez, toutes sortes d'oiseaux et de bêtes picoraient les semences et mangeaient les légumes du Jardin en se moquant de lui...
A quoi servait il ?
Le Jardinier allait il le brûler ?
Ou bien l'enduire d'huile de poisson, comme on le faisait souvent pour éloigner toute cette volatile gourmande ? l'entourer de CD miroitants ?
Traumatisé, il n'avait plus la force de vivre !
Taco, enfin arrivé aux pieds de Paillasse après des glissades éperdues sur l'herbe trempée, avait tout entendu et restait consterné... et culpabilisait !
Il n'avait jamais prêté attention à ce personnage grotesque et grignotait allègrement les salades sans se soucier de ses jérémiades... riant même avec les oiseaux !
Soudain Coxi décida d'agir au plus vite. Elle s'envola vers le haut du sapin majestueux dans lequel quelques retardataires migrateurs s'affairaient encore à leur toilette avant d'aller rejoindre leurs congénères....
Et elle se mit à leur chanter un Gospel de son cru si beau, si poignant, que tous les oiseaux émus piquèrent du bec, contrits, et promirent de ne plus jamais taquiner Paillasse, ni de picorer ses carrés de légumes dont il avait la garde.
Et promirent aussi de prévenir leurs amis qui s'éloignaient déjà à l'horizon.
Pendant ce temps, Taco avait réussi à grimper le long du piquet jusqu'à l'oreille de Paillasse et lui chuchota gravement ses propres ennuis.
Paillasse, fort surpris, l'écouta longuement.... et, ému, accepta de lui pardonner et d'être son ami....
Ils convinrent tous deux qu'ils étaient déjà "frères de misères"...
Coxi, encore toute vibrante de son chant d'amour, vint se poser sur Taco près de la joue de Paillasse tout heureux.
Des disputes, des criailleries leur parvinrent du sapin. Survint un silence lourd et, VROUF ! tous les oiseaux s'envolèrent d'un coup, se regroupèrent dans le ciel, et piquèrent vers le trio.
Paillasse terrorisé, crut sa dernière heure arrivée....
Un à un, les oiseaux se placèrent face à lui et lui crièrent :
"Au revoir, Paillasse, et longue vie à toi. A l'année prochaine !"
"au revoir, Paillasse, porte toi bien. A la revoyure !
"au revoir, Paillasse, vivre le Printemps qui nous ramènera vers toi !"
"Au revoir, Paillasse, au revoir......."
Et VROUF-VROUF, VROUF.... ils reprirent chacun sa place dans le groupe et s'envolèrent à grands fracas rejoindre leurs amis là-bas....
Coxi et Taco, enchantés, hurlaient leur joie, pendant que Paillasse, ahuri, riait de bon cœur, submergé de bonheur.
Et voilà qu'il avait des amis, lui, l'éternel exclu.... jusqu'à aujourd'hui !
Tags : Paillasse, épouvantail, Taco, escargot, Coxi, coccinnelle, Pie, oiseaux, Jardin, automne, migration oiseaux, pluie, désespoir, amour, aimer, bonheur
-
Commentaires
j'ai pris le temps de lire l'histoire en entier. Ton histoire devrait être lue à des enfants pour leur apprendre l'amitié. Bises et bonne soirée.
-
Mardi 21 Juin 2016 à 17:14
Merci Durgalola ! Je me suis bien amusée en la composant il y a longtemps ...
Je suis ravie qu'elle te plaise et te remercie sincèrement de ton appréciation ... Mais mes histoires sont loin de celles que lisent les enfants d'aujourd'hui...
Je suis effarée par les livres qu'on leur offre !
Plein de bisous à toi et porte toi bien surtout.... car ici, bcp de malades qui n'arrivent pas à guérir... dont moi ! bonjour les bronchites !
-
coucou Luciole,
Je me suis régalée à la lecture de tes mots!
Les épouvantails dans les champs pour faire peur aux oiseaux, ici on connait et franchement, aujourd'hui, ils ne font plus peur à personne car les animaux n'ont plus vraiment peur de l'homme!
Dans le jardin nous avons opté pour les CD qui tournent et brillent avec le soleil mais comme il n'y a pas de soleil, ils ne brillent pas et les merles et autres étourneaux se font une joie de dévorer les fraises et les cerises!
Ton épouvantail à une fin bien plus heureuse que le mien!!!!
Gros bisous Luciole et bon weekend à toi
-
Mardi 21 Juin 2016 à 17:08
Coucou Patricia
Un grand merci, Patricia et de ta visite et de tes mots si gentils !
Avec mes excuses d'avoir abandonné l'ordinateur ces jours ci, trop fatiguée par une bronchite qui n'en finit pas
J'espère que tu as le soleil, cette fois ! Belle journée aujourd'hui ! dommage que je sois trop lasse pour aller promener...
Te fais plein des bisous et bonne semaine ensoleillée
-
ce conte est un régal ...
j'ai l'impression d'avoir 55 ans de moins ! ! !
biZZZZes
Bernard-
Mercredi 15 Juin 2016 à 14:50
-
Oh qu'il est joli ce conte, je le vois bien en livret pour enfants, du style de ceux que je lis à ma petite fille.
Comme quoi, on ne peut vivre seul et sans amis !
Belle journée
-
Mardi 14 Juin 2016 à 15:19
-
Bonsoir MLuciole,
Merci pour cette belle histoire.
Et puis j'aime bien paillasse.
Bon début de semaine
Bisous
-
Lundi 13 Juin 2016 à 22:34
-
bonsoir ma belle ,voilà une histoire qui finit bien ,du côté météo ,ce n'était pas folichon ,il fait un froid de canard ,en plus ,y a du vent et il fait averse ,bon début de soirée ,bisous
-
Lundi 13 Juin 2016 à 21:37
Bonsoir Câlinette
Nous, une belle journée ensoleillée malgré un petit vent pas bien chaud.... mais je n'ai pas pu en profiter, coincée dans la salle d'attente d'un médecin ! rageant ! Epuisée de tant tousser ... et donc des nuits blanches ! pfffff
Ce soir, bien entendu : orage et pluie ! fallait s'y attendre !
Merci de ta sympathique visite ... Passe une belle soirée au coin du feu sous la couette !
Bisous
-
Jolie petite histoire... Le pauvre épouvantail n'avait aucun ami, ce qui est bien triste. Mais grâce à une coccinelle au grand cœur et à un escargot compréhensif, tout change pour Paillasse...
On a souvent besoin d'un plus petit que soi... ;-)
Bonne soirée!
Bisous
Maryline
-
Lundi 13 Juin 2016 à 18:55
Coucou Maryline
je suis si contente que tu sois venue malgré tes probs de santé ! Merci de tout cœur !
Normalement, un épouvantail est censé faire peur : c'est son boulot ! mais Paillasse ne semble pas un épouvantail ordinaire : il a un cœur sensible !
Heureusement, ses 2 nouveaux amis vont lui rendre la vie plus belle...
Je t'embrasse tendrement en espérant que tu ailles mieux !
Reviens de chez le médecin : pfffff ! ça ne s'arrange pas pour moi non plus ! bronchite qui devient problématique... traitement plus conséquent ! Patientons !
(Le temps trop humide et capricieux y serait pour bcp)
-
J'ai toujours eu beaucoup de sympathie pour les épouvantails. On en voit de moins en moins et c'est bien dommage. Paillasse est heureux, et le conte finit bien. Il est heureux car il ne se sent plus seul. Il y a là une grande leçon. Merci, Luciole, de ces mots qui font du bien.
Bisous
Alain
-
Lundi 13 Juin 2016 à 18:50
-
37mireille du sablonLundi 13 Juin 2016 à 13:57Quel joli conte! on a envie de lui dire : courage, reprends-toi, nous avons besoin de toi!!
Bises du jour de Mireille du Sablon
-
Lundi 13 Juin 2016 à 18:48
C'est fou ce que nous avons besoin des uns les autres ! on ne s'en rend pas compte quand tout roule, mais le jour où nos capacités dégringolent, brusquement l'amitié de l'autre devient primordiale !
Comme tu as raison !
Un grand merci Mireille et plein de bisous pour toi et pour Marc si tu le rencontres....Je ne l'oublie pas !
-
Ainsi orné et accompagné de ces beaux oiseaux il est devenu beau et heureux l'ami Paillasse, c'est une bien jolie histoire de solidarité et d'amitié, il me plait beaucoup ton conte nature !
Merci Luciole, très bonne journée
-
Lundi 13 Juin 2016 à 18:44
-
Un récit tout joli, tout doux...
-
Lundi 13 Juin 2016 à 18:41
-
Cette histoire m'a beaucoup émue, une belle leçon de tolérance envers l'autre qui pourrait être appliqué chez les humains qui ne sont pas très tolérants envers les différences, bonne semaine à toi, bisous !
-
Lundi 13 Juin 2016 à 18:41
-
Bonjour Luciole,
Ah je suis bien contente pour Paillasse, pas facile de rester tout seul sans parler à personne. Je suis bien contente que tout s'arrange.
Bonne journée, bises, Véronique-
Lundi 13 Juin 2016 à 18:37
C'est ton cœur qui parle, ma chère Véronique ! Compassion et gentillesse te caractérisent... Un grand merci d'apprécier mes petites histoires (déjà vieilles de 5 ans ! ça passe vite !) .... Elles seraient plus belles avec tes photos !
Plein de gros bisous et porte toi bien surtout. Ici, une hécatombe de malades due à ce temps humide et instable... trop de pluies ! et je suis tombée dedans !
-
Jolie histoire ,bonne semaine bisous
-
Lundi 13 Juin 2016 à 18:32
-
Merci grâce à toi, je compatis aux douleurs de Paillasse
-
Dimanche 12 Juin 2016 à 21:24
-
joliment illustré! bonne soirée-
Dimanche 12 Juin 2016 à 21:01
-
ah oui tout une histoire ... !!! merci pour ce partage et photos et ... belle soirée A+
-
Dimanche 12 Juin 2016 à 20:02
-
Coucou Luciole,
Heureusement qu'en ce jardin vivent en bonne entente Taco et Coxi, sans ces deux-là, ce pauvre Paillasse, se serait noyé dans ses larmes.
Un joli conte pour jour de pluie!
Gros bisous
-
Dimanche 12 Juin 2016 à 18:15
Tout à fait Livia ! nous n'avons pas manqué d'eau depuis un temps, on ne sait même plus depuis quand ? Une flopée de malades dans notre village.... dont moi ! rebelote !
Alors neurones en compote .... plus le courage de composer....
Remarque, un mieux : derrière la neige.... l'automne ! compte à rebours ! vais peut être finir par aborder le Printemps ?
Merci de tout cœur Livia et plein de gros bisous
-
Bonjour Luciole. Brrrr tu me fais geler en ce dimanche tristournet. Mais en même temps tu m'émeus avec ce Paillasse qui vient de se faire 2 amis . Souvent dans la vie, ceux qui sont seuls, en faisant un petit effort pour le dire et surtout montrer leurs sentiments, peuvent être moins seuls. C'est ce que je souhaite. Merci.
-
Dimanche 12 Juin 2016 à 18:00
Coucou Ginette
Trop mal fichue pour être inspirée, alors du coup, je tape dans du "vieux"... Pas l'époque, mais tant pis ! Mais c'est vrai que le temps pourri de ce matin, ciel gris et brume, m'a peut être influencée ? Ouf, soleil et chaleur malgré un ciel chargé et un vent guilleret cet après midi !
Tu as bien raison, le timide est souvent pénalisé parce qu'il n'ose pas aborder les gens.... Sans doute une peur viscérale de l'autre ?!
Un grand merci de ta gentille visite, chère Ginette, et bisous
-
Luciole, j'ai bien aimé te lire..........
-
Dimanche 12 Juin 2016 à 17:34
-
Bonjour Luciole... Sensé remplacé le jardinier en son absence, histoire que les oiseaux dans son dos... mais même un Paillasse ne peut grand chose contre le toupet de la gent ailée... Heureusement qu'il y a tjs quelqu'un qui prend pitié de l'état d'un autre et arrange ses bidons... brûlé comme le Jeanne, oh non alors !!!
Comme quoi dans la vie un plus petit que soi peut grandement faire vos affaires, merci, bises
-
Dimanche 12 Juin 2016 à 17:21
-
Un très joli conte que je vais imprimer pour lire à mes petites filles. J'ai beaucoup aimé et pourtant d'habitude je n'aime pas trop les contes. Belle semaine.-
Dimanche 12 Juin 2016 à 17:24
-
Suivre le flux RSS des commentaires
Ajouter un commentaire
Le petit et joli monde de l'enfance, c'est charmant Luciole
Bisous
Merci Marine
J'avais presque oublié ce billet, c'est drôle de revenir en arrière !
Bisous